On imagine que le personnage le plus effrayant associé à la Roumanie est Dracula. Mais Dracula est un personnage de fiction. Cependant un monstre véritable, assoiffé de sang, a bel et bien vécu dans un château en Roumanie. Il a passé vingt-quatre ans dans sa tour en refusant à son peuple nourriture, électricité et liberté. Il s'appelait Nicolae Ceaușescu.
Christian Florescu rêve de devenir écrivain. Il aime regarder des films américains et écouter Bruce Springsteen avec son meilleur ami Luca, blaguer avec son grand-père, boire un coca-cola avec son amoureuse Liliana, tenir un journal intime auquel il confie ses joies et ses peines. La vie presque banale d'un adolescent. À un détail près : Christian Florescu vit à Bucarest en 1989 et tout ce qu'il aime faire est interdit, illégal. Dans la Roumanie de Ceaușescu, rêver est dangereux, penser est dangereux. « Vivre à Bucarest en 1989 revient à vivre dans une photo en noir et blanc. Une existence dans un monochrome froid. Les Roumains savent que la couleur existe, quelque part, loin de la palette de ciment et de charbon de la ville. Si l'Ouest semble être une trousse de crayons multicolores, la vie du peuple roumain n'est qu'un ensemble de mines de plomb ternes. » Une vie de misère avec des files d'attente interminables devant les magasins où l’on refile les rebuts dont aucun pays ne veut, des pieds de porc ou des pattes de poulet qu'on surnomme avec humour les patriotes, les seules choses qui restent au pays. Il faut aussi vivre avec les coupures d'électricité en plein hiver et se débrouiller pour trouver des Kent, ces cigarettes de l'Ouest qui permettent de consulter un médecin ou graisser la patte d'un concierge. La méfiance est permanente, la surveillance généralisée, Elena Ceaușescu ayant même décrété que les balcons devaient rester visibles en permanence. Personne ne peut parler librement, il n’y a plus de vie privée. La Securitate veille et n'hésite pas à proposer un chantage odieux à Christian : des médicaments pour son grand-père s'il devient un informateur. Mais une petite voix arrive par la radio interdite Free Europe, le mur de Berlin se fissure, la Hongrie, la RDA, la Tchécoslovaquie, la Bulgarie se libèrent et quand Christian entend que l'on a crié : « Jos Tiranul ! », « À bas le tyran ! » place Maria à Timisoara, il est déterminé à donner de la voix, à prendre part à la révolution. Après Ce qu'ils n'ont pas pu nous prendre, Le Sel de nos larmes, Big Easy et Hôtel Castellana, Ruta Sepetys signe un nouveau roman impeccable qui se lit comme un polar. On frémit, on pleure, on rit, on se révolte et on crie à l'unisson avec Christian et les Roumains « Li-ber-ta-te ! jusqu'à la dernière page. Implacable et saisissant.