Melody Gornet

Tout revivre



deuil
famille
fratrie

Chronique de Isabelle Réty

Librairie Gwalarn (Lannion)

Comment reprendre le cours de sa vie lorsque l’on vient brutalement de perdre sa mère dans un accident ? Tout revivre explore les différentes étapes du deuil à travers le récit de trois personnages qui se succèdent, chacun reprenant là où le précédent s’est arrêté.

Sophie est morte par une belle journée de fin d’hiver. Avant de rentrer chez elle, elle avait fait quelques courses et pensé à acheter du chocolat pour que Matthis puisse faire des cookies. Sur une rocade encombrée, elle s’est retrouvée prise dans un accident lorsqu’un conducteur a fait un malaise au volant. Sophie laisse deux orphelins, deux garçons anéantis, Jordan, 14 ans, et Matthis, 11 ans. Les garçons vivaient seuls avec leur mère depuis la séparation de leurs parents et doivent désormais habiter chez leur père qui a fondé une deuxième famille avec Sonia. Face à ce père qui les aime à sa façon, mais semble incapable de leur parler, de trouver les mots pour les réconforter, Matthis et Jordan peinent à prendre leur place au sein de cette maison trop petite où rien n’était prévu pour les accueillir. Au mutisme de leur père, s’ajoute l’hostilité affichée d’Oriane, la fille adolescente de Sonia, contrainte de partager sa chambre avec Axelle la petite dernière de la famille et demi-sœur des garçons. Murés dans leur chagrin, Jordan et Matthis se rapprochent de Solveig, une cousine qu’ils n’ont pas vue depuis une dizaine d’années. Si Solveig n’a jamais été proche de sa tante, elle a, elle aussi, connu un drame familial. Elle décide de prendre les garçons sous son aile en les embarquant dans un projet de rénovation d’une maison qu’elle a héritée de sa grand-mère. Touchée, émue, par la tragédie qui frappe ses cousins et qui réveille en elle des souvenirs douloureux, Solveig tente de leur apporter l’attention dont ils ont besoin en les occupant sur son chantier. Les journées passées avec leur cousine sont autant de parenthèses dans leur quotidien rempli de tristesse et de désarroi. Aucun des deux ne peut parler de leur mère et exprimer la souffrance qui les submerge. Matthis semble le plus perturbé par l’absence de Sophie. En proie à des cauchemars, victime de harcèlement au collège, il a une peur panique de son reflet dans les miroirs. Véritable bombe à retardement, il n’arrive pas à évacuer sa peine et craint que sa mère ne soit oubliée. Quant à Jordan, il cherche l’affrontement en permanence avec son père, devient violent et se fait expulser du collège. Sonia semble être la seule personne à pouvoir maintenir le foyer à flot. Comment parler du deuil, de la perte d’un être cher ? Sujet délicat et extrêmement périlleux que Mélody Gornet aborde dans ce roman avec une infinie délicatesse et beaucoup de pudeur. Ni pathos, ni effet lacrymal, seulement les faits et la détresse de trois êtres, trop tôt et trop brutalement cabossés par la vie, qui vont trouver du réconfort dans le fait de passer du temps ensemble, se comprendre et partager une douleur sur laquelle ils n’arrivent pas à poser de mots, pour peu à peu évacuer leur chagrin et se reconstruire pas à pas. Retenez bien le nom de cette jeune auteure qui signe avec Tout revivre un magnifique premier roman d’une intensité et d’une justesse rares, empreint d’une émotion tout en retenue.

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