Depuis son premier roman (Je suis sa fille, Sarbacane, 2013), Benoît Minville confirme son envie de dire les fractures sociales et témoigne d’un talent certain pour raconter les soubresauts de l’adolescence. Dressant les portraits de personnages d’une attachante ambivalence, il les dépeint sans jamais verser dans la caricature.
Vasco et Djib sont comme deux frères. Alors quand Vasco voit Djib se faire chahuter par Malik, il a vite fait de sortir les poings. Une habitude depuis le jardin d’enfants. Encore une histoire de fille, mais cette fois ça tourne mal. La police débarque, Malik porte plainte et les deux amis doivent assumer les conséquences de leurs actes. Sur le banc du commissariat, attendant leurs parents en redoutant le pire, ils repensent à ce dernier jour de l’année qui avait pourtant bien commencé. Djib allait passer en Première S à la rentrée, et Vasco, terminant sa première année de CFA BTP, allait passer ses vacances au pays. Mais la sentence tombe rapidement. Pour se racheter une conduite, ils passeront leur été à retaper une grange au cœur de la Nièvre, en pension chez un octogénaire qui offre ses services comme famille d’accueil pour la DDASS. Dans une France rurale qui leur est totalement étrangère, les deux inséparables banlieusards vont devoir composer avec une fratrie d’enfants malmenés par la vie. Si les petits accueillent avec joie leurs nouveaux compagnons de jeu, Dylan, jeune apprenti en proie à la violence et au racisme ordinaire, ne voit pas leur arrivée d’un bon œil. Quant à Jess, son inconstance est carrément déconcertante. Heureusement, les aînés veillent au grain et au moral des troupes. Alors, ensemble, bon gré, mal gré, entre brutalité et tendresse, entre insouciance buissonnière et désenchantement, ils apprendront à dépasser leur adversité, à se connaitre, à s’apprivoiser. On découvrira leurs blessures, leurs combats contre les chemins tout tracés, leurs doutes et leurs espoirs d’adolescents cherchant une place dans la cruauté d’un monde qu’ils ne connaissent que trop bien. Une histoire banale en somme, d’une justesse troublante et brillamment contée. Car sous la plume de Benoît Minville, qui dessine la pudeur des premiers émois avec autant d’habileté qu’il révèle la violence d’une société, le quotidien se fait tour à tour rude et magnifique. Avec émotion, on les accompagnera au cœur d’un été qui les changera forcément, attentifs comme eux aux conseils d’un vieillard aux allures de sage : « Ce n’est pas une leçon de morale, ce n’est pas une leçon de vie. Ce que je peux humblement vous conseiller, quand le torrent des émotions est trop difficile à endiguer, c’est de peser ce que vous avez comme bonheur et comme malheur, et d’essayer de les faire cohabiter. Il vous faut préserver des petits moments de joie dans le tragique de la vie ».