Paola Peretti

Du haut de mon cerisier



amitié
handicap
grandir

photo libraire

Chronique de Hélène Deschère

Librairie Récréalivres (Le Mans)

Aborder la question du handicap simplement, sans pathos, et avec subtilité, dans un roman junior n’est pas aisé. Paola Peretti le réussit. Mafalda, héroïne au regard en construction, nous entraîne avec elle dans un décompte. Celui vers une nouvelle vie, inquiétante, différente mais qu’elle pourra choisir.

Mafalda, petite fille de neuf ans, aime lire Le Baron perché de Calvino avec son père, câliner son chat Ottimo Turcaret (clin d’œil à cette lecture commune), discuter avec Estella, la gardienne de son école, et grimper dans le cerisier de la cour. Elle profite de ces instants tant qu’elle peut. Elle sait que cela ne durera pas. La cécité, ou le brouillard comme elle aime à l’appeler, la gagne. D’ici quelques semaines, elle sera dans le noir. « Tous les enfants ont peur du noir. Le noir, c’est une pièce sans portes, ni fenêtres, avec des monstres qui t’attrapent et te mangent en silence. Moi je n’ai peur que de mon noir à moi, celui que j’ai dans les yeux. » C’est avec ses mots, traduits si joliment par Diane Ménard, que le roman s’ouvre. Mafalda se prépare au changement. En s’adressant régulièrement à Cosimo, le héros du Baron perché. En dressant la liste des choses qu’elle ne pourra plus faire. En prenant la décision de grimper dans le cerisier, avant sa cécité totale, et d’y rester. Pourquoi continuer comme avant si elle n’y voit plus ? Du haut de mon cerisier est un roman à l’écriture pudique, sensible et poétique qui pose la question de comment s’approprier ce qu’on ne choisit pas. Comment faire avec ? Sur un sujet qui aurait pu laisser toute la place à un pathos dégoulinant, Paola Peretti écrit un roman lumineux. Sans pour autant occulter la réalité. La vie de Mafalda est bouleversée. Ses yeux ne la guideront plus. Le décompte au début des chapitres ne se fait pas en jours mais en nombre de mètres qu’il faut à Mafalda pour voir son cerisier. La narration, à la première personne, permet au lecteur de saisir les enjeux pour Mafalda. Grandira-t-elle comme les autres ? Estella restera-t-elle son amie, celle qui lui est si précieuse pour transformer sa liste négative en éléments positifs ? Filippo qu’elle apprend tout juste à connaître et à aimer aura-t-il toujours envie de la voir, quand elle ne le pourra plus ? Au-delà des questions liées à la cécité que se pose Mafalda, on découvre aussi les réflexions d’une enfant sur l’école, l’amitié, l’amour, les relations familiales compliquées (des parents si désireux de préparer au mieux la transition qu’ils en oublient de communiquer avec leur fille). Et surtout la liberté. Liberté de mouvement bien sûr mais aussi la liberté de choisir. La liberté de voir son handicap comme un empêchement ou une force. Et, comme la couverture le rend si bien, se rendre compte que perdre la vue n’est peut-être pas la fin de tout mais le début d’une autre manière de voir. Et ainsi garder le sourire.

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