Benjamin Desmares

Des poings dans le ventre


Chronique de Madeline Roth

Librairie L'Eau vive (Avignon)

« Tu aimerais tellement vaincre cette chose qui te pourchasse. La broyer de tes mains. » Le dernier roman de Benjamin Desmares, après le très énigmatique Une histoire de sable (paru en 2016 chez le même éditeur), est un véritable coup de poing. Un texte très court qui se lit d’un souffle, saccadé. Blaise est au collège et il frappe. Il cogne. N’importe qui. Juste pour cogner, se convaincre qu’il est fort et qu’il n’a pas peur. Alors que tout en lui hurle. On le suit dans les rues de sa ville, chez sa mère, et jusque dans ses rêves où la peur est là, tapie. Parce que la violence naît forcément d’un manque, d’une blessure, un creux béant que l’auteur dévoile peu à peu. « Tu rapproches un peu plus tes poings qui tiennent toujours fermement l’encolure de sa veste. Tu pourrais le tuer. Oui, tu pourrais serrer comme ça jusqu’à ce qu’il s’écroule, mort. » Ce livre, c’est une quête. Blaise – il déteste son prénom – porte une colère trop lourde pour lui, qu’il affronte comme il peut. En cognant, mais aussi en dérivant dans les rues, cherchant refuge auprès de types plus âgés que lui, avec lesquels il boit des bières et fume des joints. Mais à la moitié du livre, quelque chose bouge enfin. Blaise cherche seulement les mots. Qu’on arrête avec ce silence et qu’on lui dise enfin où est son père, cet homme qu’il ne connaît pas, qui les a abandonnés sa mère et lui. La force du livre tient tout entier dans sa forme. Écrit à la deuxième personne du singulier, Des poings dans le ventre est une adresse, à la fois au personnage et au lecteur. Le texte commence dans la rage, il se termine dans les pleurs. Le dernier chapitre, bouleversant, est le seul écrit au futur, comme un espoir possible, une rédemption.