Après le très remarqué Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre, Ruta Sepetys nous entraîne dans l’atmosphère des années 1950 à la Nouvelle-Orléans, en proie à l’effervescence qui marqua la fin de la guerre et portait en elle les espoirs et les rêves de l’American way of life.
L’engouement de la victoire cède la place à l’American Dream ainsi qu’à l’âge d’or des États-Unis. Josie Moraine a 17 ans, elle est certaine qu’à force de courage et de détermination, elle deviendra quelqu’un. Son intelligence et son sens de la répartie sont assurément des atouts… même pour une enfant qui grandit dans une maison close du quartier Français, auprès d’une mère aussi fantasque qu’irresponsable. Le quartier Français est sous le joug de la mafia locale, la criminalité et l’arbitraire y règnent en maître. Depuis son enfance, Josie trouve dans la librairie de Mr Marlowe une sorte de refuge, un havre de paix au milieu d’un océan de violence ; elle puise dans ses échanges avec le libraire et ses lectures les armes qui lui permettront d’affronter un déterminisme social un peu lourd. Elle a pour objectif de quitter la ville et de se libérer définitivement de la coupe de sa mère, en entrant à Smith, brillante université du Massachusetts. Mais l’arrivée dans la vie de sa mère d’un gangster à la petite semaine nommé Cincinnati va bouleverser ses projets et la compromettre dans une sordide histoire de meurtre. Le roman de Ruta Sepetys est imprégné de l’ambiance feutrée d’une maison close et du climat gouailleur qui caractérise les rues de « Big Easy », surnom populaire donné à la Nouvelle-Orléans. La lecture de ce livre nous plonge au cœur d’une action haletante et d’une intrigue remarquablement bien tissée, nantie de personnages complexes qui se révèlent peu à peu, au gré des rebondissements qui agrémentent une histoire au suspense redoutable. Tiraillée entre le désir d’accéder à une vie meilleure et les entraves du quotidien, Josie est prise dans un engrenage qui pourrait lui être fatal. Willie, la patronne de la maison close, veille sur l’enfant. Mais saura-t-elle la détourner du mensonge ? Et quel jeu joue Patrick, le fils de Mr Marlowe ? Dans un récit où abondent les dialogues truculents, Ruta Sepetys rend formidablement l’ambiance noire et terrifiante de certains des quartiers de la Nouvelle-Orléans. En lisant Big Easy, on ne peut s’empêcher de songer à Jim Stark, incarnation culte de James Dean dans La Fureur de vivre. Les thèmes que l’on y retrouve sont les mêmes : l’éclatement de la cellule familiale, le deuil de l’enfance, la responsabilité des adultes déficients et une jeunesse en crise. Mais dans ce combat-là, la vie triomphe toujours.