Alex Cousseau

Rêves d’ailleurs



L'entretien par Léonie Desbois

Librairie Le Bel Aujourd'hui (Tréguier)

1916, Elie et Elias sont sur le point d’assouvir leur vengeance : tuer Butch Cassidy ! Pour comprendre leur histoire, il faut remonter en 1801, au commencement, avec leur grand-mère Poki. Une aventure incroyable qui charme et tient en haleine du début à la fin. Un très grand roman d’aventures !

Page — Le Fils de l’ombre et de l’oiseau nous fait voyager en Amérique du Sud. C’est un continent qui vous inspire, vous attire ; y êtes-vous déjà allé ?
Alex Cousseau — Je connais d’abord l’Amérique du Sud à travers les livres, même si j’ai fait un court voyage en Bolivie il y a quelques années. C’est un continent qui m’attire, oui. J’ai eu envie d’y faire vivre mes personnages, dans des paysages à couper le souffle, de la Patagonie à l’Amazonie, et dans un xixe siècle où plusieurs révolutions se succèdent. Ça me semblait un terrain de jeu passionnant pour écrire un roman, et je confirme… j’ai pris énormément de plaisir à voyager en écriture sur ce continent !

P — Chacun des personnages doit partir à la découverte d’un ailleurs, en se promettant de revenir ; pourquoi ?
A.-C. — Mes personnages, j’aime les inscrire dans un mouvement. C’est le mouvement qui les motive. Le mouvement vers l’ailleurs, vers l’autre, vers soi, vers l’inconnu, vers l’inattendu. Ensuite il y a le retour. Partir et revenir forment un tout, l’un ne va pas sans l’autre. Quand on part en voyage, c’est délicieux de revenir chez soi. Mes personnages partent avec des projets parfois insensés, voire impossibles, des projets qui les dépassent. Et ils échouent en grande partie, mais peu importe. Qu’ils échouent ou qu’ils réussissent, j’espère juste qu’ils sont vivants. Toujours en mouvement, humains et vivants.

P — Butch Cassidy, un prétexte pour une histoire qui dure un siècle et s’étale sur trois générations ; ce personnage vous fascine-t-il ?
A.-C. — La vie de Butch Cassidy ressemble à un roman d’aventures et se termine en Amérique du Sud, c’est donc tout naturellement que j’ai pensé à lui. Et puis ce qui me plaît dans son histoire, c’est qu’elle est pleine de trous. Elle laisse beaucoup de place à l’imagination. Dans un précédent roman, Les Trois Vies d’Antoine Anacharsis (Le Rouergue, 2012), je m’étais inspiré d’un véritable trésor, celui du pirate Olivier Levasseur, que l’on cherche encore. Dans Le Fils de l’ombre et de l’oiseau, il y a ce bandit, à la fois sauvage et dandy, comme une légende qu’on n’aura jamais fini d’écrire et de réécrire. Ne trouvant pas de documentation sur la jeunesse de Butch Cassidy, j’ai pris un malin plaisir à lui inventer une enfance. Tout est faux, et pourtant j’ai réussi à me persuader que tout est vrai !

P — Quel personnage vous ressemble le plus ?
A.-C. — C’est sans doute Pawel qui me ressemble le plus. En tout cas, je m’identifie facilement à lui. Il peut paraître difficile à cerner, d’où les nombreux malentendus tout au long du roman. Il est tour à tour plein de bonne volonté, sans volonté, dévoué, effacé, rêveur, terre à terre, idéaliste, (hyper)romantique, (extra)lucide et (super)naïf. Mais surtout, on le prend régulièrement pour un autre. J’ai récemment vécu l’étourdissante expérience d’être pris pour quelqu’un d’autre, et j’avoue que je m’en suis servi pour créer Pawel. Je me suis amusé avec cette idée : quoi qu’il fasse, on le comprend de travers. Un geste égoïste lui donne un destin de révolutionnaire, un acte d’amour le fait prendre pour un assassin, etc. C’est imprévisible et vertigineux, comme dans les rêves. D’ailleurs j’ai aussi ce point commun avec Pawel : j’accorde infiniment d’importance aux rêves.
 

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