Après Les Autodafeurs et Génération K, Marine Carteron signe le premier tome d’une nouvelle trilogie qui nous plonge dans l’univers merveilleux de la mythologie grecque et en particulier de la guerre de Troie. Entre luttes pour le pouvoir, secrets millénaires et une grande noirceur, découvrons avec l’auteure les coulisses de sa création.
Votre nouveau roman plonge dans la mythologie grecque. Pourquoi avoir choisi ce décor ?
Marine Carteron - La mythologie grecque est plus qu’un décor, c’est un fonds culturel dans lequel toutes les générations ont puisé pour raconter leurs propres histoires. La langue d’Homère, sa poésie puissante, violente et évocatrice me fascine depuis mon adolescence. L’Iliade et L’Odyssée, La Théogonie d’Hésiode, L’Énéide de Virgile sont des livres que je lis et relis régulièrement, parfois juste quelques lignes. On peut dire que Pallas a toujours été à mes côtés, en préparation !
Vous donnez la voix surtout à des femmes, humaines et déesses. Pourtant, dans les récits mythologiques, ce sont plutôt les hommes qui ont le rôle principal. Pourquoi ce changement de perspective ?
M. C. - Relire l’épopée troyenne en chaussant des lunettes féminines oblige à la penser d’une autre manière, notamment en ce qui concerne les causes de la guerre. Certes, les hommes sont au cœur de l’action, ils prennent les armes, meurent en héros. Mais pour quelle raison ? Qui porte la responsabilité du massacre ? Pour les anciens, la guerre est due à la vanité de trois déesses (Athéna, Héra et Aphrodite en plein trip Miss Olympe) puis à la lascivité d’une reine (Hélène, coupable de fuir avec son amant ou, au mieux, de ne pas avoir su empêcher son rapt). Les rois grecs (très pacifistes comme chacun sait !) sont donc poussés à la guerre par les « erreurs » des femmes. Sauf que j’ai toujours eu du mal à avaler cette version. Il y avait forcément une autre raison, plus crédible. Et, à force de la chercher, je crois l’avoir trouvée.
Parlez-nous du processus créatif et des recherches qui ont précédé l’écriture de Pallas.
M. C. - La gageure était donc de raconter les guerres de Troie différemment sans trahir les « faits » (rien ne m’agace plus que Ménélas tombant sous les coups d’Hector dans le film Troy). Je me suis donc plongée dans les sources antiques et les publications universitaires. J’ai traqué les détails, fait des listes de vocabulaire, cherché les liens entre les personnages (qui sont tous plus ou moins cousins, c’est l’enfer sur terre) et tenté de résoudre les incohérences chronologiques (les auteurs grecs n’étant pas très pointilleux dans ce domaine). Bref, j’ai mangé antique, dormi antique, rêvé antique et saoulé tout mon entourage pendant trois ans (mais je me suis antiquement amusée).
Vous avez modernisé et rendu accessible un univers vieux de plus de 2000 ans. Comment avez-vous réussi ce défi ?
M. C. - J’ai beaucoup travaillé en amont. Puis, quand tout est devenu clair dans mon esprit, j’ai écrit le livre que j’aurais aimé lire à 15 ans : une histoire avec un début, un milieu et une fin. Parce que L’Iliade, aussi magnifique soit-elle, est tout de même une sacrée frustration pour qui ne baigne pas dans la culture grecque. En gros, tu n’as ni l’origine du conflit, ni sa fin et, pour ce qui est des personnages, tu es censé les connaître, ce qui fait que tu es aussi perdu que si tu commençais Game of Throne par l’épisode 7 de la saison 5. Alors certes, Ulysse comble certains trous dans L’Odyssée (là aussi, grosse arnaque puisque le récit se concentre sur les dernières semaines d’un retour qui dure dix ans ! Homère était décidément le roi de l’ellipse et du flash-back). Mais le tout laisse sur sa faim.
Vous nous avez passionnés avec vos précédents romans dans lesquels vous avez fait ressurgir croyances et récits merveilleux. Quel rôle joue la mythologie dans la compréhension du monde pour de jeunes adultes ?
M. C. - La mythologie est pour moi un merveilleux bac à sable. Tout y est déjà présent : les rêves, les passions, les espoirs, la grandeur et la petitesse de l’humanité. Tout le monde peut y trouver ce qu’il cherche, y projeter sa propre vision du monde. Là où certains voient en Sisyphe une métaphore du monde ouvrier, j’y vois l’image du panier de linge sale à descendre à la buanderie. Mon frigo est la réincarnation du tonneau des Danaïdes et les écrans des smartphones sont la surface brillante où se noient les nouveaux Narcisses. Alors, je ne sais pas si lire la mythologie peut aider à comprendre le monde d’aujourd’hui (pour ma part, j’en serais bien incapable) mais elle peut faire rêver, voyager, frissonner et réfléchir (ce qui est déjà beaucoup).
Ne nous laissez pas sur notre faim ! Pourriez-vous nous dire combien de temps nous devrons attendre pour lire le prochain tome de Pallas ?
M. C. - Rassurez-vous, ça ne sera pas long. Six mois entre chaque parution. D’ailleurs, il faut que je vous laisse : j’ai un tome 3 à écrire !
À propos du livre
Et si ce n’était pas la pomme de la discorde et le rapt d’Hélène qui avaient déclenché la guerre de Troie mais un secret bien plus puissant caché depuis des années dans les méandres de la ville ? Athéna, déesse de la sagesse, a attendu longtemps avant de pouvoir essayer de libérer sa sœur Pallas du sort que lui a infligé Zeus. Mais tout autour d’elle, les soifs de pouvoir, les rivalités et l’esprit de vengeance risquent d’entraver son plan. À travers la voix des déesses de l’Olympe et de femmes mortelles, ce récit original, puissant et plein de rebondissements nous plonge la tête la première dans le monde merveilleux de la mythologie grecque.