Eben, le personnage du livre d’Élise Fontenaille-N’Diaye, est un jeune Héréro qui va découvrir que l’origine de ses yeux bleus est liée à l’histoire de son pays, la Namibie. Il rêve de libérer son peuple de l’infamie d’une certaine statue qu’il fera exploser en pleine nuit de Noël. Et si ce symbole était plus fort que la véritable Histoire ?
Cherchant à connaître son ancêtre le général Mangin (fameux général de la Force Noire – les soldats issus des colonies, pendant la Première Guerre mondiale), Élise Fontenaille-N’Diaye a exhumé un massacre que l’Histoire a longtemps occulté. Au tout début du xxe siècle, dans l’actuelle Namibie, les Allemands colonisant la région ont asservi et maltraité les deux tribus locales, les Hereros et les Namas. Ils étaient chasseurs, cueilleurs et éleveurs, et se sont vus spoliés de leurs terres par les colons. Après plusieurs années d’humiliations, viols et autres brutalités, les Hereros ont voulu se venger lors de la « Nuit Rouge » du 11 janvier 1904, au cours de laquelle ils tuent des colons et brûlent des fermes, tout en épargnant les femmes et les enfants. En réponse le Kaiser enverra le général Von Trotha (surnommé le Requin). Ce dernier va organiser le Vernichtungsbefehl (ordre d’extermination totale). En pleine nuit, lui et ses hommes attaquent les campements des Hereros, massacrant hommes, femmes et enfants. L’assaut est conçu pour que les Hereros n’aient d’autre issue que le désert du Kalahari. Les Allemands ont pris soin, au cours des jours précédents l’attaque, d’empoisonner les points d’eau. Les survivants errent pendant des jours, torturés par la soif, la faim et la chaleur. Des snipers allemands tirent à vue sur ceux qui cherchent à fuir le désert. Les ultimes survivants seront parqués dans des camps où ils devront travailler à la construction du chemin de fer. Le Blue Book est ce livre écrit par l’Anglais qui mena l’enquête sur ces massacres. Tous les exemplaires disparaîtront à la demande des Allemands, qui menaceront le Royaume-Uni de faire paraître leur propre rapport (le White Book) sur les exactions dans les colonies européennes. Tous sauf un, qui est déclaré perdu, et qui réapparaîtra après l’élection de Mandela en Afrique du Sud. La véritable libération des Hereros et des Namas aura lieu dans la nuit de Noël 2013, lorsque la statue du général allemand à cheval sera démontée en secret, puis remontée dans un musée voisin. Les colons allemands crieront au scandale, mais les autorités locales tiendront bon. Au début du xxe siècle, un certain Fischer a entamé des travaux d’ethnologie afin de démontrer que des différences morphologiques justifiaient la suprématie de l’homme blanc. Pour ce faire, il demande aux soldats présents en Namibie de lui envoyer des crânes afin de les étudier en Allemagne (près de 200 seront rendus à la Namibie en 1994). Le livre écrit par Fischer en 1908 a été lu par Hitler lors de son incarcération en 1924 et a inspiré l’écriture de Mein Kampf. Fischer était également le mentor d’un certain Mengele… À croire que ce qui s’est passé en Namibie en 1904 n’était qu’une répétition générale des atrocités à venir. Dans Eben ou les yeux de la nuit, l’auteure utilise la fiction pour parler aux ados de ce génocide méconnu.