Sarah Gastel

Librairie Adrienne (Lyon)

Quand on ne se trouve à l’aise ni avec la parole ni avec le monde tel qu’il nous entoure, la lecture libère l’horizon. C’est peut-être pour cette raison que je partage mes trouvailles dans une librairie ouverte aux quatre vents, petit refuge dont dépendent la forme de nos villes et le goût de nos vies.

Rencontre avec Sarah Gastel de la librairie Terre des Livres à Lyon.

Comment et pourquoi êtes-vous devenue libraire ?  


Sarah Gastel Alors que j’usais mes fonds de pantalon sur les bancs de la faculté de Lettres, je fréquentais assidûment la librairie en bas de chez moi. En pleine errance existentielle, j’ai demandé à faire un stage. Ce jour-là, j’ai décroché le Saint Graal! Après un apprentissage, je suis devenue salariée. Quand on ne se trouve à l'aise ni avec la parole, ni avec le monde tel qu'il nous entoure, la lecture libère l'horizon. C'est peut-être pour cette raison que je partage avec bonheur mes trouvailles depuis onze années dans cette seconde maison.

Parlez-nous un peu de votre librairie et de votre équipe.  


S. G. Terre des Livres est une librairie généraliste et artisanale, pour tous les âges et pour tous les goûts, avec un penchant net pour la critique sociale. Son originalité la plus profonde est son fonds spécialisé autour des littératures du Maghreb et des Afriques mais aussi son étage dédié aux livres d’occasion pour les curieux et les petits budgets. En somme, un petit lieu chaleureux et militant, ouvert aux quatre vents, égayé par une équipe de cinq passionnés. Il nous tient à cœur également de proposer un programme de rencontres riche et diversifiée en littérature et sciences humaines.

Racontez-nous une anecdote amusante avec un client.  


S. G. Je raconte souvent cette histoire, tel un vétéran, mais c’est de loin la plus savoureuse et amusante (enfin, de mon point de vue !). Il y a quelques années, alors que nous fermions, ma collègue et moi-même, la librairie pour la pause-déjeuner, nous avons tout simplement oublié et enfermé une lectrice pendant une heure à l’étage. À notre retour, elle ne s’était rendu compte de rien, nous avons bien ri.

Quel premier livre de votre bibliothèque avez-vous ouvert ? 


S. G. Afin d’adoucir le spleen des premiers jours et de remédier à mon manque d’attention, j’ai plongé allègrement dans des formes courtes, à commencer par les Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja, de savoureuses et intemporelles histoires qui enjolivent immanquablement une journée morose. Ce fou facétieux et sage est l’un de mes personnages fétiches. Je me suis également replongée dans Bleuets de Maggie Nelson, un petit livre doudou qui échappe à toute classification, consolateur et drôle. 240 fragments intimistes et universels autour de la couleur bleue qui constituent un baume à nos bleus à l’âme.

Quel serait le conseil que vous aimeriez donner à nos lecteurs pour ces périodes de confinement ?  


S. G. En cette période, chacun y va de son conseil : méthode anti-déprime, méditation, se recentrer sur l’essentiel… Ces exhortations peuvent se révéler épuisantes et culpabilisatrices. Je dirais de faire comme on peut, de composer au jour le jour avec ce quotidien extraordinaire, de s’armer de patience, de douceur avec soi-même et de se réfugier dans les livres !

Une autre idée de question à laquelle vous aimeriez répondre ?


S. G. Ah oui, quelle auteure j’aimerais un jour accueillir à la librairie ! Annie Ernaux, sans hésitation. 

SES COUPS DE COEUR