Pour les éditeurs, les fêtes de fin d’année sont toujours l’occasion rêvée de publier des beaux livres. Voyons ce qu’il en est du côté des recueils de contes… Cette année, deux ouvrages rendent hommage à l’œuvre des frères Grimm.
Textuel a choisi de regrouper vingt contes de Jacob et Wilhelm Grimm. Le soin de la sélection et le travail d’édition ont été confiés à l’illustrateur Yann Legendre, qui n’a évidemment pas omis de faire figurer dans le recueil les célèbres Cendrillon, Le Vaillant Petit Tailleur, Le Petit Chaperon rouge ou encore Blanche-Neige (c’est d’ailleurs de ce dernier conte qu’est extraite la phrase imprimée en blanc sur le dos argenté du livre : « Miroir, miroir… qui est la plus belle en ce pays ?... ») Mais le maître d’œuvre a également voulu arracher à l’oubli des textes moins connus, comme La Jeune Fille sans mains, La Vieille dans la forêt ou L’Esprit dans la bouteille. Yann Legendre est français et vit depuis une dizaine d’années aux États-Unis, précisément à Chicago. Son inspiration se nourrit de l’univers de la bande dessinée underground américaine et plus spécialement de ses chefs de file, Art Spiegelman (auteur de Maus, Flammarion) ou Charles Burns (Black Hole, Delcourt). Ses illustrations graphiques, un brin rétro, très flashy, limite psychédéliques, dépoussièrent ces contes et réussissent à nous faire oublier Walt Disney. Quel travail ! Le deuxième ouvrage, édité par Gallimard, est un recueil de cinquante contes inspirés par Jacob et Wilhelm Grimm, réécrits par Philip Pullman et imagés par Shaun Tan. « Inspirés par et réécrits par », car, selon Pullman, qui se présente lui-même, non comme un écrivain mais comme quelqu’un qui écrit des histoires, « le conte de fées est dans un perpétuel état de devenir et d’altération. S’en tenir à une seule version, une seule traduction, c’est enfermer un rouge-gorge en cage ». Ainsi, on pourrait dire que Pullman, à qui on doit la célèbre trilogie À la croisée des mondes (Folio), livre une version très personnelle des Contes de Grimm. La plupart du temps, il se contente de traduire simplement. Parfois aussi, il opte pour une légère réinvention du texte original. Pullman explique comment se sont opérés ses choix dans une notice figurant en fin de chaque conte. Du côté des illustrations, ici appelées « images », c’est l’étonnant Shaun Tan qui est à la manœuvre. Rien à voir, tant dans le fond que dans la forme, avec sa fabuleuse bande dessinée Là où vont nos pères (Dargaud), mais le travail s’exprimant ici s’avère tout aussi impressionnant. Il propose des photos de ses sculptures inspirées des arts premiers. Les photos de Shaun Tan restituent, en quelque sorte, l’essence du texte, son message universel, intemporel, comme s’il avait cherché à composer un haïku graphique. Ces deux ouvrages sont totalement différents. L’un, résolument moderne par son graphisme, l’autre, déconcertant par ses réinterprétations et ses images. Il est intéressant de les feuilleter en parallèle. Dans les deux cas, le lecteur ne se lassera pas de découvrir ou redécouvrir ces contes de fées que tout le monde croit connaître.