Camille Romanetto

Une sieste


Maternelle
Album
doudou
sommeil
imaginaire

Chronique de Marguerite Martin

Librairie Terre des livres (Lyon)

C’est l’heure de la sieste, ce moment de l’entrée dans le sommeil qui a toujours été un grand mystère pour Camille Romanetto. La petite Madenn enlève ses chaussettes et s’étire. D’un geste délicat, on la borde d’une couverture en tartan, puis l’adulte, dont on ne saura rien d’autre que ce geste empli de douceur, s’efface et Madenn s’enfonce dans le moelleux de son lit.

C’est une histoire toute simple et douce avec « beaucoup de blancs, peu de décors, mais beaucoup de chaleur… ». Le museau pointu de Phil apparaît, il invite Madenn à se faufiler sous les draps pour aller goûter chez lui son fameux gâteau aux noix accompagné d’un chocolat chaud. Apparaissent alors chacun leur tour à la porte, détournés de leur chemin par un besoin impérieux de chaleur, Catherine dans son fichu coloré, l’immense Edgar au doux regard et le minuscule Léonard. Phil les accueille, les invite à goûter et recoupe une part de gâteau. Lorsqu’il leur souhaite enfin bon appétit, que tous attablés sont prêts à goûter, Madenn n’a plus très faim et l’horloge lui rappelle qu’il est l’heure de rentrer. La voilà de retour dans son lit. C’est ce que, en lettres cursives dessinées à la main et couleur chocolat, le texte nous raconte : un moment calme et doux. Un rêve ou un jeu ? « Lorsque j’écrivais et dessinais le livre, je n’ai jamais pensé une seule fois que ce puisse être un rêve. Pour moi, Madenn a réellement passé le goûter avec ses amis. Comment ? Ça, je ne veux pas le savoir ! J’aime que les enfants puissent décider de voir les choses comme ils l’entendent, rêve ou pas rêve. De même qu’ils ne captent pas forcément à la première lecture que c’est Madenn qui mange tout le gâteau, puisque ce n’est pas dit dans le texte. J’aime bien qu’ils le découvrent par eux même, en regardant les images, que ce ne soit pas dit par l’adulte qui lit. » C’est cette autre histoire que le dessin raconte. Tous les éléments évoquent à la fois ce pouvoir de l’imaginaire et la chaleur d’un foyer : les meubles en bois peints, les tissus en tartan, le gilet élimé de Phil, le pull fleuri vieux rose d’Edgar, le poêle à bois, le visage de Madenn maculé de gâteau et l’omniprésence des livres ; ils entourent le fauteuil et servent de rehausseurs aux plus petits. « Chez moi les livres sont partout et sont ce que j’ai de plus précieux. J’ai besoin de la littérature pour m’extraire du monde ou m’aider à le comprendre. » Les aquarelles aux contours tremblés et au nuancier brun rappellent les dessins d’Helen Oxenburry, de Kazuo Iwamura qui ont marqué l’enfance de Camille Romanetto. Dans ses inspirations présentes elle est « en amour pour le travail d’Inga Moore » et de Kitty Crowther et confesse que sa plus grande influence restera toujours l’immense Tove Jansson. Loin du tumulte des actualités, sublimé par une reliure toilée, Une sieste nous rappelle que notre besoin de réconfort et de merveilleux, si fort l’hiver, creusé par l’implosion d’un monde angoissant, peut être comblé par la simplicité d’un rêve, d’un goûter, d’un jeu, de la lecture d’un très bel album.

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