Annelise Heurtier creuse depuis quelques années un sillon à part dans la littérature jeunesse. Un chemin suivi avec bonheur par ses lecteurs, qui gardent en eux les petites graines semées de-ci de-là par une auteure qui engage.
Les héros de ce roman sont nombreux, onze au total. Ils s’appellent Amir, Pietros, Awat ou encore Milla. Ce sont des adolescents avec des rêves, des espoirs, des premières amours, des moments difficiles. Mais tous ne sont pas nés au même endroit. Car pendant que Milla séjourne sur l’île de Lampedusa en Italie, pour tenter de se rapprocher de sa mère après la disparition de son petit frère, les dix autres luttent pour leur survie sur un minuscule Zodiac. Car Refuges a pour point de départ un événement historique : la situation durant l’été 2006 aux alentours de Lampedusa. Cette île méditerranéenne qui, depuis le début des années 1990, voit passer dans ses eaux des milliers de réfugiés fuyant notamment l’Érythrée, ce pays de la Corne de l’Afrique où la situation politique liberticide force de très nombreuses personnes à fuir une répression devenue insupportable. Et c’est ce pays que Pietros, Amir et les autres tentent de fuir ensemble. L’auteure a réalisé de solides recherches pour tenter de retranscrire au mieux les histoires personnelles de ces jeunes. Elle tente de savoir « Qu’est-ce qui se cache derrière [leurs] lèvres closes, derrière [leurs] yeux striés de vaisseaux rougeâtres. » Car Annelise Heurtier aime à raccrocher ses jeunes lecteurs au réel ou à l’actualité. Et en mêlant ces destins abîmés à celui d’une jeune Occidentale qui passe un été charnière pour se comprendre elle-même et découvrir quelle est sa place dans le monde, on est tout de suite confronté au quotidien des uns et des autres, aussi difficile soit-il. Les épisodes de la vie de Milla sur Lampedusa sont comme des respirations, qui nous permettent aussi, à nous Occidentaux peu informés de situations souvent très peu médiatisées, de prendre conscience de drames lointains et oubliés. Un roman fort et poignant sans jamais être misérabiliste. Car, malgré tout, c’est bien l’espoir qui gagne à la fin.