Vincent Villeminot

Nous sommes l’étincelle


Chronique de Maria Ferragu

Librairie Le Passeur de l'Isle (L'Isle-sur-la-Sorgue)

Et si un jour la jeunesse de notre pays décidait qu’elle refuse de vivre selon des règles dans lesquelles elle ne se reconnaît pas ? Vincent Villeminot dresse le portrait d’une société en mutation et en quête d’idéaux, tout en nous dévoilant dans une double narration les aléas de cette révolution.

Il y a d’abord eu un livre, une sorte de manifeste, écrit par un jeune homme et qui est devenu le mot d’ordre de toute une génération, « do not count on us » (ne comptez pas sur nous). C’est ainsi que des milliers de jeunes ont d’abord manifesté, revendiqué, puis ont finalement choisi de « déserter ». Quitter la société, abandonner le quotidien qu’ils connaissaient pour reconstruire ailleurs une autre vie dans une organisation moins pyramidale et plus participative, en se rapprochant de la nature. Mais évidemment, ceux qu’on appelle les décideurs, la vieille garde des valeurs traditionnelles, ne pouvaient supporter les velléités libertaires de ces jeunes. Les premiers affrontements ont eu lieu, les descentes de police et finalement un drame qui bouleverse l’équilibre précaire de cette communauté en construction. Trente-six ans plus tard, que reste-t-il de ces révolutionnaires et de ceux qui les combattaient ? Vincent Villeminot dresse le portrait de nombreux personnages dans ce roman foisonnant construit autour de plusieurs époques. Il y a d’abord la génération des bâtisseurs, Antigone et Xavier, les leaders du mouvement. La Houle et son équipe de gros bras, Paul, l’adolescent en admiration totale devant ce groupe de jeunes plus expérimentés que lui, Allis, la jeune fille fragile entrée dans la police pour ne plus jamais être victime, Adam, l’enfant déraciné. Et puis il y a les survivants, ceux qui ont passé plus de trente ans dans la forêt, il y a les ermites qui ont perdu jusqu’à leur nom, il y a ceux qui ont construit une famille, ceux qui sont morts et dont on continue à honorer la mémoire. Il y a tout ce qui fait une vie, avec ses mauvais choix et ses grandes joies. Le temps de quelques jours, les fantômes du passé, le présent et le futur se télescopent, se rejoignent et se séparent pour tenter de sauver trois enfants capturés par de dangereux braconniers. Vincent Villeminot nous entraîne dans un magnifique texte, entre dystopie et roman d’anticipation. Il nous livre un regard acéré sur les tourments de la jeunesse et les questionnements qui l’habitent. Les actions de ses personnages sont parfois douteuses, parfois violentes, mais il se contente de les observer avec bienveillance sans jamais juger les actes, à part peut-être ceux d’une société trop sclérosante. Il s’en tient aux faits, conscient que la construction passe aussi par l’échec, par l’expérience, par la vie tout simplement, avec ce roman aux accents naturalistes et initiatiques.