Autour du joli personnage de Suzine, Claire Castillon imagine une comédie douce-amère sur l’âge ingrat. Miss Crampon évite, avec grâce et légèreté, les clichés.
D ’abord, peut-être un conseil : ne pas lire la quatrième de couverture du roman qui dévoile un détail important de l’histoire (ce que le dessin de Thomas Baas ne fait que suggérer). Car le roman de Claire Castillon a la réserve de son personnage principal et ne dévoile que progressivement ses nuances et ses qualités dont la principale serait une originalité de ton. Après Proxima du Centaure, on sait la capacité de l’auteure à créer des voix authentiques d’adolescents. Sur un registre moins grave, Miss Crampon donne à entendre celle de Suzine, jeune fille discrète et désabusée, empêtrée dans une querelle entre ses deux meilleures amies. Elle profite de vacances aux sports d’hiver avec son père et sa très jeune belle-mère pour prendre ses distances. C’est sans compter sur la présence dans la même station de Tom, le garçon à l’origine de la brouille, qui, justement, a la mauvaise idée de tomber amoureux d’elle. Sur cette piste verte a priori déjà beaucoup trop empruntée, Claire Castillon chausse ses skis avec élégance. Suzine est entourée d’une série de personnages amusants dont l’auteure croque l’esprit et parfois le ridicule dans des dialogues enlevés. Miss Crampon amuse d’abord pour mieux cueillir le lecteur au détour d’une révélation faite l’air de rien et qui nous conduit à envisager le roman sous un autre angle. L’histoire de Suzine n’est en effet pas commune : en marge de son parcours d’émancipation et d’affirmation de soi, Claire Castillon tord le cou au cliché selon lequel tous les adolescents veulent tout expérimenter de l’âge adulte prématurément. À ce titre, regarder Suzine prendre son temps est un charmant spectacle.