Précédé d’une réputation intrigante de petit chef-d’œuvre de la littérature de jeunesse, L’Île aux mensonges surpasse toutes nos attentes et Faith Sunderly rejoint la Lyra Belacqua des Royaumes du Nord (Folio Junior) au panthéon des héroïnes intrépides.
C’est immédiatement que le lecteur est convaincu de débuter une grande expérience, à la lecture de la très belle scène d’ouverture qui voit arriver le bateau de la famille Sunderly sur l’île où ils ont fui le scandale. Tout est « posé » en quelques phrases : l’élégance toute britannique de la langue, le sens du détail marquant, des personnages parfaitement campés et surtout cette pointe de cruauté vivifiante qui fait sortir le roman des pantoufles confortables du pastiche victorien. Faith, avec sa dureté et sa vaillance, nous embarque envers et contre tous dans sa lutte pour blanchir le nom de son père Erasmus, grand scientifique soupçonné d’avoir falsifié les preuves de ses audacieuses théories. L’intrigue, entre enquête policière et réflexion sur les relations complexes sciences/religion, joue avec brio et modernité sur plusieurs registres. L’île de Vane, perdue dans ses brumes, avec ses habitants hostiles et ses grottes secrètes, est le théâtre passionnant et le décor parfait du combat de la jeune fille. En quête d’attention paternelle, désireuse de s’affranchir de sa condition de femme, elle n’hésite pas à transgresser les interdits d’une époque corsetée. Faith, qui porte décidément parfaitement son nom, est un magnifique personnage. Frances Hardinge (dont nous ne connaissions jusqu’à présent que Le Voyage de Mosca traduit en 2006 chez Gallimard) la pousse dans ses derniers retranchements, la confrontant à sa propre violence et à sa noirceur. Mais elle reste avant tout cette adolescente dont l’intelligence a su mûrir sans reconnaissance et sans véritable affection : un défi à sa famille et à son époque. C’est entre les branches entremêlées d’un arbre aux propriétés magiques que Faith trouvera sa vérité, par-delà tous les mensonges qui lui auront permis de grandir.