Hiver 1945. Joana, Emilia, Florian et Alfred, quatre adolescents, quatre destins réunis par l’Histoire. Comme des milliers de personnes, ils fuient l’avancée des troupes soviétiques sur la Prusse orientale, dans l’espoir d’atteindre le port de Gotenhafen sur la côte polonaise. De là partiront des navires pour la zone libre de Hambourg.
Ce roman historique relate un épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale. Le 30 janvier 1945, le Wilhelm Gustloff, navire allemand, quitte le port avec à son bord entre 8 000 et 10 000 passagers, essentiellement des civils arrivés là après des semaines d’errance, ainsi que quelques soldats blessés. Direction Hambourg. Joana est Lituanienne. Avant l’exode, elle travaillait dans un hôpital. Aujourd’hui, grâce à ses connaissances médicales et sa bienveillance, elle avance dans son périple vers la liberté accompagnée d’un groupe de fortune composé, à l’image des autres réfugiés, de vieillards, d’enfants et de femmes. Il y a le vieux cordonnier, Eva la géante, Ingrid l’aveugle et le petit garçon. En route, les exilés tombent sur Emilia et Florian, duo improbable. Elle est Polonaise. Contrainte dans un premier temps à fuir son pays pour échapper aux nazis, son père la place dans une ferme qu’elle vient de quitter après avoir échappé aux soldats russes. Lui est Allemand et en âge d’être soldat, mais, blessé, lui aussi est en fuite. Que fuit-il ? Malgré leurs différences, leur passé et leurs secrets, la faim, le froid mordant de l’hiver et la peur omniprésente, les unissent dans cette course contre la montre. Et puis il y a Alfred, jeune marin-soldat allemand fanatique et dévoué au Reich, chargé de l’embarquement. Dans la nuit, touché par des torpilles lancées d’un sous-marin russe, le navire fait naufrage en quelques minutes, condamnant des milliers de personnes, dont une majorité d’enfants, à périr de froid en pleine mer Baltique. C’est la plus grande catastrophe maritime de l’Histoire, même si elle reste moins connue que le drame du Titanic. Le travail de documentation réalisé par Ruta Sepetys pour l’écriture de ce roman est remarquable et aura nécessité de nombreuses années de travail, de rencontres. La réussite du livre repose évidemment sur la véracité des faits relatés. Mais le talent de Ruta Sepetys (maintes fois récompensée pour son roman Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre disponible en poche chez Gallimard Jeunesse) est de nous faire toucher du doigt les émotions, les tensions et la complexité propres à chacun des protagonistes. Les courts chapitres, le rythme de l’écriture, nous plongent dans cette course contre la montre, contre la mort. Des sentiments tels que le déracinement ou l’abandon sont magnifiquement retranscrits.