Seize ans après le dernier tome de sa trilogie à succès À la croisée des mondes, déjà chez Gallimard Jeunesse, Philip Pullman revient avec La Belle Sauvage, le premier volet d’un nouveau cycle, La Trilogie de la Poussière. Un roman que vous pouvez lire même si vous ne connaissez pas ses ouvrages précédents. Et je gage qu’ensuite vous vous précipiterez chez votre libraire pour les découvrir.
En 2005, Philip Pullman avait déjà annoncé travailler sur une suite de sa série avec une forte envie d’approfondir son univers et de nous en faire découvrir de nouvelles facettes. L’auteur aime dire de cette nouvelle série que c’est un « equel » (mot qu’il a inventé) ni prequel, ni sequel, ni avant ni après À la croisée des mondes, mais à côté. Quelle joie de retrouver Lyra (même si elle n’est qu’un bébé)… De retrouver également la plume inimitable de Philip Pullman à la fois dense et simple, à hauteur d’enfants mais qui parle aussi aux adultes, ici au sommet de son art. On découvre ou redécouvre surtout l’univers très complexe, bien que plus sombre, de la Croisée des mondes, la mystérieuse poussière, les dæmons (qui n’a jamais rêvé d’en avoir un pour compagnon ?) et la ville d’Oxford imaginée par l’auteur. Voilà ce que l’on peut dire en prenant garde de ne pas trop divulguer la trame et laisser le plaisir de la découverte : Malcom Polstead aime se balader sur les canaux et les rivières d’Oxford. Il travaille à l’auberge de la Truite tenue par ses parents où beaucoup de gens passent et laissent dans leur sillage un parfum d’aventure et de mystère. Un nourrisson confié aux nonnes, Lyra Belacqua, semble attiser la curiosité de nombreuses personnes. Le bébé se retrouve vite en danger, mais elle peut compter sur le jeune Malcom et son dæmon Asta qui, aidés par leur amie la spécialiste de l’aléthiomètre Hannah Relf, vont la protéger en l’emmenant à bord de la Belle Sauvage, le bien le plus précieux de Malcom, un petit bateau où ils vivront une aventure qui les changera pour toujours. Les héros qu’aime créer l’auteur sont des enfants ordinaires qui ne sont pas divinement dotés d’un talent particulier mais qui accomplissent des choses extraordinaires, comme le font Lyra et Malcom. Certainement des souvenirs de son expérience d’enseignant : pour lui, il y avait un Malcom et une Lyra dans chacune de ses classes. Il pense en effet que les enfants sont capables de prouesses fantastiques, courage, affection et détermination. Comme dans sa trilogie précédente la question religieuse est au centre de l’histoire, ce qui lui a valu d’être censuré dans certains pays. Deux entités se battent pour la poussière, mystérieuse particule : le despotique Magisterium, rattaché à l’Église, et des services très secrets, totalement opposés à la mainmise des religieux sur les esprits, qui prônent la liberté et le savoir pour tous. L’auteur explique : « Tout ce que je connais des services secrets me vient de mes lectures de John Le Carré. Et pour évoquer la terrible pression sur les enfants, poussés à dénoncer leurs propres parents, j’ai songé à ce qui se passait dans les pires années de l’Union soviétique. » Sous couvert de romans de fantasy et d’aventure, les livres de Philip Pullman parlent aux lecteurs de tous âges des grands problèmes de notre époque et apportent ce besoin vital d’art qui nourrit l’imagination et développe l’esprit. Nous ne devrions pas trop avoir à patienter jusqu’à la parution du deuxième tome de cette trilogie car il est déjà écrit !