Dans cet épais volume, Clémentine Beauvais décortique avec finesse et précision les arcanes d’une littérature qu’elle distingue bien volontiers de la littérature dite adulte : elle nous entraîne sur ses pas avec la grâce et l’humour qu’on lui connaît et, malgré l’imposant sommaire, on la suit les yeux fermés !
Clémentine Beauvais, la Facétieuse qui nous « mythone » sa vie privée dans son dernier roman fantastique ; la talentueuse romancière qui nous inflige la lecture d’un rapport de stage inoubliable dans Âge tendre ; la narratrice osée et culottée qui vous claque un roman en vers selon Eugène Onéguine dans Songe à la douceur ; l’autrice bizarrement inspirée par un concours de boudins pour Les Petites Reines ; aujourd’hui enfin, sous nos yeux ébahis, l’enseignante-chercheuse à l’université de York, qui se dévoile experte en sciences de l’éducation, dans ce livre passionnant et passionné. Ici, elle vous sert sans complexes un document aux allures de thèse universitaire mais saupoudrée de son ton malicieux et de son humour. Elle y dézingue les pourfendeuses de la littérature jeunesse « pour tous » et clame haut et fort qu’un mauvais livre jeunesse est un livre pour adulte. Elle vous défend de lire « avec des yeux d’enfant » puisque vous ne l’êtes plus et vous invite plutôt à connaître les jeux et enjeux de cette littérature avec votre cerveau adulte, doué d’analyse (et d’émotions, oui, toujours, quand même). Elle vous encourage à lire comme une écrivaine (oui, parce qu’ayant constaté la forte féminisation des métiers liés à la lecture, elle décide que, dans ce livre-là, le féminin l’emporte sur le masculin et c’est très agréable à lire !). Elle vous donne aussi des clés pour apprendre à écrire, en pulvérisant le mythe (bien français) de l’autrice inspirée dont le talent serait autant inné qu’inespéré. La littérature jeunesse est une éducation à la littérature. Vous saurez bientôt tout sur les ficelles du métier. Intrigue, personnages, système de narration, style, rythme du récit : Clémentine Beauvais passe l’écriture au crible, dans l’idée entretenue et répétée qu’il faut connaître tous les codes pour mieux pouvoir les briser. Jusqu’à proposer un atelier d’écriture pour déployer « toute une histoire » et réfléchir à tous ces enjeux de manière très didactique et pragmatique. Elle ne vous lâchera pas la main et décortiquera ensuite le monde des maisons d’édition et de la chaîne du livre, après un petit topo sur les enjeux politiques de la littérature jeunesse. Ben oui, vous croyez quoi ? On n’est pas au pays des bisounours : ça carbure et ça assure !