Voici une chouette aventure menée par une chatonne au minois mignon mais au caractère bien trempé. De sa jolie maisonnette à l’Opé-Rats, en passant par le cirque Swing, chuivez... pardon ! Suivez les péripéties de Superminouche et de son acolyte Gérard. Ils vous donneront sans aucun doute envie de rire et danser.
Fanny Joly, pouvez-vous nous parler des aventures de Superminouche ?
Fanny Joly — Superminouche est une chatonne mignonne-grognonne à fort caractère, douée pour faire swinguer l’existence, au sens propre comme au figuré. Vu que les chats vieillissent de dix-neuf ans au cours de leur première année, elle passe au fil des pages de l’âge bébé à l’âge ado… ÇA SWINGUE ! Et c’est le but recherché.
Comment cet album musical est-il né ?
F.J. — D’abord de mon goût pour le jazz. Cette musique fait partie de ma vie. Atavisme familial devenu passion personnelle. À la suite de ma rencontre avec Pierre-Gérard Verny, au festival Voix Sur Bergesen 2011, à Paris – et alors que son talent de compositeur arrangeur chef de chœur m’avait sauté aux tympans –, j’ai rejoint plusieurs de ses projets jazz choral et découvert ses Fables de La Fontaine version jazzy. Il s’est intéressé à mon travail de petit écrivain jeunesse. On a eu envie de tenter un projet ensemble, une histoire qui embarque, amuse, offre un tour du jazz, donne envie de chanter et danser…
Texte, illustration et musique... Comment vous êtes-vous organisés pour travailler ensemble à ce projet commun ?
F.J. — Comme souvent dans les projets jeunesse, et contrairement à l’idée que beaucoup de gens s’en font, on travaille peu ensemble. Pour l’essentiel, on avance chacun de son côté, et plutôt successivement. Superminouche est dans les tuyaux depuis deux ans, mais je n’ai encore jamais rencontré Caroline Hüe « pour de vrai », comme disent les enfants. On va se rattraper au Festival Jazz à Vienne où on dédicacera ensemble lors du concert de Yaël Naïm, le 9 juillet. J’avais en tête depuis longtemps un personnage de super-chatonne. J’ai mis en mots son portrait, ses amis, le pitch de l’histoire. Puis j’ai eu envie de lui donner forme. J’ai sollicité un ami directeur artistique pour qu’il me conseille des illustrateurs. Il m’a branché avec Caroline Hüe. J’ai d’emblée aimé son style. Il m’a dit qu’on s’entendrait bien. Il ne s’est pas trompé. Elle a joué le jeu, croqué Superminouche et ses copains, bénévolement. Forte de tout ça, je suis partie en quête d’un éditeur et je suis tombée sur les yeux et les oreilles attentifs de Paule du Bouchet et Claire Babin, chez Gallimard. Youpi ! C’est parti. Synopsis détaillé. Puis texte pour fin 2015. Choix, placement, style des parties musicales avec Pégé. J’ai écrit des paroles. Il a composé de supers mélodies. Début 2016, on a beaucoup travaillé par ordinateur, beaucoup discuté au téléphone pour ajuster les rythmes et les mots, jusqu’à l’enregistrement au Studio Davout début mars. J’ai adoré cette phase… Bye Bye solitude et pages blanches. Hello musique et travail d’équipe.
Caroline Hüe — Je n’ai eu aucun contact direct avec Pierre-Gérard Verny, l’éditrice me faisait suivre les morceaux de musique et les textes au fur et à mesure des créations et des changements. C’est surtout Pierre-Gérard et Fanny qui ont fourni un travail de collaboration. Je n’étais pour ma part qu’en relation avec la maison d’édition. Par contre, les choix des musiques et de l’orchestration ont évidemment influencé le choix des illustrations. Par exemple, au début de l’album, Superminouche chante langoureusement sur une passoire, sans la musique de Pierre Verny. Or, j’aurais probablement fait chanter Superminouche dans une tout autre position.
Pierre-Gérard Verny — C’est une belle collaboration. Pour les illustrations, je n’ai découvert les premières ébauches de Caroline que lors d’une séance de travail avec Fanny, Paule du Bouchet et Claire Babin, éditrices chez Gallimard, où je présentais les premières mélodies que j’avais écrites. J’ai immédiatement vu que ça allait s’emboîter à merveille et que nous étions tous les trois sur la même longueur d’onde. Fanny a travaillé sur le texte. J’y ai déposé ensuite notes et mélodies. Elle avait imaginé un certain nombre de chansons avec des styles musicaux différents en fonction des situations dans lesquelles Superminouche allait se trouver. Ensuite, mon imagination a fait le reste. Parfois, au fil des mélodies qui naissaient, j’étais confronté à des interrogations ou à des blocages en fonction de mes envies musicales, qui faisaient que nous étions en contact très étroit avec Fanny. Je pense que je l’ai littéralement harcelée, mais je pense aussi qu’elle ne m’en veut pas. Je lui disais : « rajoute-moi un pied à tel vers, rajoute-moi un couplet, ce sera mieux, enlève tel ou tel mot que je n’arrive pas à faire sonner sur telle phrase… » Tout devait s’ajuster au plus précis, les rythmes, les mots, les phrases, les rimes, les styles. Une espèce de ferveur s’emparait de nous, en particulier quand nous étions sur les dernières moutures. Les derniers ajustements se sont fait lors des séances d’enregistrement, avec encore des idées de mots ou de notes qui nous arrivaient. J’étais un peu comme un enfant avec un nouveau joujou qu’il veut explorer sous tous les angles. En même temps, il est vrai qu’en composant de la musique, je suis toujours comme un enfant qui explore tout, dans toutes les directions. Lors de cette création, je me suis même dit qu’il fallait absolument que je joue l’un des personnages…
Entourés de personnages expressifs et amusants, Superminouche, héroïne attachante, crève l’écran. Caroline Hüe, est-ce le personnage que vous avez pris le plus plaisir à dessiner ?
Caroline Hüe — Quand le projet Superminouche a démarré, je savais que Fanny Joly m’avait choisie comme illustratrice pour mes petites touches d’humour et pour l’expressivité de mes personnages. J’ai donc cherché dès le début à créer un personnage drôle et attachant, dont on devine l’humeur au premier coup d’œil. Dessiner un personnage drôle, ce n’est pas très compliqué ; attachant, un peu plus. Mais associer les deux, ça m’a obligé à faire de nombreux essais, qui heureusement ont rapidement eu l’aval de Fanny Joly et de l’éditrice Claire Babin. Le passage où Superminouche refuse d’obéir à ses parents m’a beaucoup inspirée, et c’est à cette étape que j’ai eu le sentiment de bien maîtriser mon personnage. Un peu comme tous nos animaux domestiques, je suis une grande gourmande, et anthropomorphiser les animaux, même si c’est un classique, demeure toujours un plaisir pour moi. Alors quand j’ai décidé d’illustrer Superminouche dans son garde-manger, je me suis mise à sa place, je me suis mise à bouder à mon plan de travail – je mime souvent l’humeur des personnages que je suis en train de dessiner –, et je me suis dis : « Si j’étais une chatonne, quel serait mon placard à victuailles idéal ? » D’où cette multitude de boîtes de conserves et de croquettes en tous genres. Je me suis bien amusée. Ce rajout de détails, qui n’apparaît pas dans l’histoire, est un bon exemple de ce que j’aime faire quand j’illustre un texte en y ajoutant des précisions sans dénaturer le texte original. Bref, tout ça pour répondre à votre question : oui je me suis beaucoup amusée à dessiner Superminouche, surtout quand elle fait la tronche. Mais j’ai aussi bien aimé dessiner son compagnon.
Pierre-Gérard Verny, vous avez à votre actif un nombre impressionnant de projets musicaux, mais c’est la première fois que vous participez à la mise en musique d’un album pour la jeunesse. Que vous a apporté cette expérience ?
P.-G. V. — C’est la deuxième fois que je participe à un projet pour la jeunesse. J’ai composé un certain nombre de pièces musicales cross over (c’est-à-dire dont le langage musical navigue entre jazz et classique) sur des Fables de La Fontaine, qui ont servi d’illustrations pour un ouvrage. Cependant, ce travail était tout à fait différent de Superminouche, car les pièces n’étaient qu’illustratives. Dans le cas présent, il s’agissait d’une création sur mesure, avec au départ de la composition des textes de chansons encore en gestation, que nous avons fait évoluer par le travail en commun. Ce fut une expérience passionnante, qui se fabriquait par strates, comme on voit monter un gâteau à la crème dans le laboratoire du pâtissier. L’histoire étant très cinématographique (type dessin animé : on ne peut pas occulter complètement Les Aristochats), j’avais l’impression d’écrire la musique du film et d’avancer dans l’histoire en surfant sur ma musique avec les personnages.