Un jour de fort vent, Louis le Mouton trouve une couronne, s’en coiffe et devient de fait Louis Ier, roi des moutons. Comme tout monarque, il va devoir faire preuve d’autorité… En de très belles doubles pages, Olivier Tallec s’amuse avec la notion de pouvoir et propose une vision assez grotesque de la toute-puissance. Un album à la fois drôle, beau et plein de finesse. Un album d’Olivier Tallec, en définitive...
Un jour de fort vent, Louis le Mouton voit une couronne poussée par la tempête atterrir à ses pieds. Il la dépose sur sa tête et devient immédiatement Louis Ier roi des Moutons. Dès lors, comme tout grand monarque, il se doit de faire appliquer son autorité… En de très belles doubles pages colorées, Olivier Tallec s’amuse avec la notion de pouvoir et propose une vision assez grotesque de la toute-puissance. Pendant que Louis s’affaire à devenir le roi qu’il ambitionne d’être, les trois-quarts de ces concitoyens moutons se promènent dans les pages sans se soucier le moins du monde de leur nouveau souverain et de ses frasques vaguement ridicules. Un album à la fois drôle, beau et plein de finesse. Un album d’Olivier Tallec, en définitive…
Page — Parlez-nous de votre envie d’écrire sur cette faune ô combien intéressante qu’est la race ovine et dont vous faites le sujet central de ce très bel album.
Olivier Tallec — J’ai d’abord souhaité travailler sur la notion de pouvoir, avant d’écrire sur les moutons. Qu’est-ce que le pouvoir ? Comment arrive-t-il (parfois par hasard) ? Peut-il partir comme il est arrivé ? Je crois que le thème du pouvoir est un thème qui parle aux enfants dès leur plus jeune âge. Il suffit d’observer les enfants jouer pour repérer rapidement celui qui veut être le chef, diriger le groupe et éventuellement traiter ses camarades comme des esclaves. Il y a un vrai potentiel de dictateurs chez les enfants ! Une fois ce sujet trouvé, je ne voulais pas représenter d’humains, je trouvais plus drôle et décalé de prendre un groupe animal, une meute ou un troupeau. J’ai pensé à plusieurs animaux, mais j’aimais bien les moutons. Ce sont des animaux paisibles et tranquilles. Ils ne soucient pas des dérapages de leur monarque et vivent leur vie de mouton sans se préoccuper de lui tout au long de l’histoire.
P. — Il y a un ton assez moqueur dans votre album. Le ridicule du personnage peut nous faire penser à de nombreux hommes politiques. Vous sentiez-vous l’esprit taquin quand vous avez réalisé cet album, ou l’envisagiez-vous dans un esprit résolument contestataire ?
O.-T. — Avoir un rôle contestataire au travers d’un album jeunesse reste quand même très limité – même s’il faut éveiller la conscience politique très jeune ! J’ai effectivement pensé à certains personnages de la vie politique en écrivant l’histoire. Je voulais que ce livre soit aussi une petite fable moqueuse sur un sujet contemporain. C’est important de ne pas tout dire dans le texte ou dans l’image. Il faut évoquer les sujets ou les personnages sans les nommer vraiment. Libre ensuite aux (jeunes) lecteurs d’établir des parallèles. C’est aussi ça un album jeunesse : ouvrir sur des sujets que l’histoire qu’on vient de lire a partiellement abordés.
P. — Cet album a un format classique, mais vous travaillez sur de grandes doubles pages. Cela vous a-t-il donné une plus grande liberté dans votre travail ?
O.-T. — J’ai pris beaucoup de plaisir à travailler en grand format. Je voulais des grandes images (il faut un peu de place pour faire rentrer un troupeau de moutons) et que le texte ne vienne pas gêner leur lisibilité. Le texte vient donc en bandes sous les images. C’est très agréable de travailler un grand format, le geste se libère. Je peux construire mes images plus facilement. J’ai moi-même été surpris en recevant l’album, je l’imaginais plus petit. Mais c’est quand même un livre sur un roi, il fallait donc un format royal…
P. — On peut remarquer également un gros travail de mise en couleur.
O.-T. — Au départ, je voulais composer un album très graphique et sur fond blanc. Mais le texte étant succinct, l’album devenait sec. J’ai donc décidé de le travailler en peinture, plus librement. L’attention portée à la mise en couleur a toujours été une priorité dans mon travail. Je construis souvent mes images directement au pinceau. Quand il n’y a pas de couleurs, comme dans la série « Rita et Machin » (Gallimard Jeunesse), je travaille le trait. Dans Louis Ier roi des moutons, j’ai souhaité privilégier les deux : une palette légèrement différente et le trait.
P. — Vous sortez également cet automne un livre d’illustrations aux éditions Rue de Sèvres. Pouvez-vous nous en toucher deux mots ?
O.-T. — Bonne journée est un livre un peu particulier, c’est un album de dessins (censés être un peu drôles) pour adultes. C’était une sorte de défi, faire un livre drôle pour adultes. Un dessin avec quelques mots (souvent un dialogue) ou non. La démarche me tentait depuis longtemps. C’est donc une narration par dessin et non une histoire linéaire. Il y a pas mal de livres qui entrent dans ce créneau en France, Sempé, bien sûr, mais également Voutch. Toutefois, le genre – l’humour absurde – est surtout une spécialité anglo-saxonne, à la manière de certains dessinateurs de presse comme Gary Larson.