Mai 68 est synonyme de révolution pour beaucoup des jeunes générations, sans plus de précisions cependant. Mais qu’est-ce qui a conduit aux barricades, à l’occupation des universités et à la grève générale ? C’était comment en 1968 ? Éléments de réponse avec Maud, Madeleine, Joël, Léna et Marianne.
Paule du Bouchet nous place aux premières loges des événements de 68 avec l’héroïne de son roman 68 année zéro qui habite au cœur du Quartier Latin, et c’est un déroulé historique précis de cette année-là que nous allons découvrir. Maud a 16 ans et ne se passionne pas pour le monde autour d’elle. Elle décrit surtout un monde figé et « d’une lourdeur infinie » mais les premières manifestations étudiantes vont comme l’éveiller. Après la nuit des barricades, Maud veut elle aussi être dans la rue. Elle va à ses premières manifestations, fredonne l’Internationale et fantasme aussi un peu sur Dany (Cohn-Bendit). Maud ne cache pas ses doutes ou ses craintes pour l’avenir. « On se rend rarement compte sur le moment des choses importantes qui nous arrivent. En mai, on s’était tout à coup mis à exister différemment, mais on ne le savait pas encore. (…) Je trouve que dans ce qui émeut, il y a toujours une réalité plus forte que dans ce qui est rationnel et froid. En mai, il y avait une espèce nouvelle d’excitation, tout se disloquait, tout était à reconstruire. » Paule du Bouchet mêle finement ses propres souvenirs et son innocence du moment à cette période troublée mais tellement riche d’idées et de rêves potentiellement à portée de mains, c’est très bon ! C’est à travers le journal intime de Madeleine, 18 ans, nouvellement arrivée à Paris et toute jeune étudiante, qu’Adeline Regnault va parler des événements. Madeleine fait sa rentrée à la Sorbonne en septembre 1967, en Lettres. Pour la première fois de sa vie loin de sa famille, elle va devoir trouver sa place entre ses cours dans des amphithéâtres bondés, la troupe de théâtre et le club de lecture dont elle fait partie. Madeleine va prendre part à ses premières manifs avec Jean, étudiant en sociologie à Nanterre, et on la voit s’affirmer de plus en plus au fil des mois de cette année scolaire qui va pour elle marquer un véritable tournant. Elle lit Simone de Beauvoir, Virginia Woolf, Betty Friedan ; Madeleine gagne en maturité et veut choisir son chemin. Plusieurs tracts et affiches viennent illustrer les pages de Madeleine et c’est un passionnant dossier – avec notamment un chapitre sur la condition des femmes – signé Elsa Neuville, chercheuse en Histoire, qui clôt le livre. Contrairement aux deux précédents romans, tous les événements qui ont conduit à mai 68 ne sont pas décrits par le menu dans Le vieux monde est derrière toi. Sylvie Baussier et Pascale Perrier s’attachent plutôt à la vie de Joël et Madeleine, deux ados qui sont à l’aube de leurs 18 ans dans ce contexte historique particulier. Leur rencontre au début de l’année scolaire 1967-1968 est déterminante pour eux. Joël est aveugle mais met un point d’honneur à être maître de sa vie ; Madeleine veut être journaliste. « Ils pourraient être considérés comme des faibles, lui parce qu’il a un handicap, elle parce qu’elle est femme, mais ils ont décidé qu’il n’en serait pas ainsi. » Pour la première fois de leurs existences, ils parlent sans crainte d’être moqués, ils s’encouragent et se comprennent. Cette rencontre est précieuse et va les aider à affirmer haut et fort qu’ils ne veulent plus du « vieux monde de l’enfance » mais plutôt un monde dans lequel hommes et femmes auraient les mêmes droits ! Pour finir, allons à la rencontre de Marianne et Léna. Elles ont toutes deux une petite dizaine d’années et on va les voir chacune prendre part à leur façon aux événements. Dans La Véritable Histoire de Marianne, Marianne vit à Paris et va partager le temps de quelques jours la vie d’étudiants en lutte. À noter, un riche cahier documentaire avec des photos d’archives légendées complète le récit. Léna, l’héroïne de Des fleurs sur les murs, vit à la campagne et aime passionnément écouter les conversations des adultes et les retranscrire en dessins. En ce fameux mois de mai, Léna s’inquiète beaucoup car l’avenir de l’usine de bicyclettes du village est menacé mais elle va jouer un rôle essentiel dans la survie de l’économie locale. En effet, à la manière des étudiants des Beaux-Arts de Paris dont elle a vu des reproductions d’affiches, Léna va défendre l’usine grâce à des affiches dessinées avec ses amies et elles seront entendues ! À 10 ans, on a des idées et l’engagement n’a pas d’âge, Cécile Roumiguière et Pascale Bouchié nous le démontrent avec à-propos à travers leurs héroïnes enjouées et volontaires !