Neil Gaiman est un auteur prolifique qui s’affiche dans tous les genres. Du comics à la science-fiction, de l’album jeunesse au scénario, il se renouvelle sans cesse. Les deux parutions de cette fin d’année prouvent encore une fois que son imaginaire ne connaît pas de limite !
Une reine est sur le point de se marier à l’ouverture de l’album La Belle et le Fuseau. Non loin de là, il y a un château mystérieux entouré de ronces et une princesse endormie. Victime d’un sortilège, celle-ci est là depuis des dizaines d’années. Mais qui la réveillera ? La question se pose quand on sait qu’il n’y a pas de chevalier dans cette histoire. C’est la reine elle-même qui va s’élancer, armée de son épée, au dos d’un fier destrier afin de sauver la princesse ! On ne manque pas d’être étonné avec cette réécriture moderne de La Belle au Bois dormant mâtiné d’une touche de Blanche-Neige et les sept nains. Il n’y a pas de prince dans La Belle et le Fuseau, mais une reine qui part délivrer une princesse – et l’embrasser ! Il n’y a pas de mariage et encore moins de naissance annoncée à la dernière page, mais une femme qui choisit son destin – après avoir réveillé la princesse, la reine va en effet laisser de côté son promis et partir à l’aventure. Ainsi, les codes du conte traditionnel sont bouleversés et Neil Gaiman bouscule des conventions bien établies. Il affiche ses idées féministes sans complexe et semble prendre un grand plaisir à dérouter son lecteur. Il nous faut nous arrêter maintenant sur les illustrations signées Chris Riddell, car elles ne sont rien moins que merveilleuses. Ce dernier avait déjà illustré plusieurs récits de Neil Gaiman – pour des éditeurs anglo-saxons – avec talent. Pour La Belle et le Fuseau, il s’est emparé des mots de l’auteur et les a magnifiés par de splendides illustrations en noir et blanc. On croirait des gravures ! L’inclusion de pantone doré les enrichit de manière précieuse. Rajoutons à cela des lettrines et divers ornements dans les illustrations ainsi qu’une jaquette en papier calque et l’on obtient ce beau volume délicat qu’est La Belle et le Fuseau. On change d’ambiance avec Par bonheur, le lait. Ici, un père part un matin en quête d’une bouteille de lait pour ses enfants. Cette simple course va vite se transformer en folle épopée peuplée d’êtres fantastiques – le père va notamment rencontrer la Reine des Pirates, des « wompires » et des dinosaures. Si le point de départ est bien ancré dans le quotidien, le déroulement est quant à lui absolument déjanté. Mais le dénouement vient attester que cette histoire invraisemblable s’est bien déroulée. Les illustrations signées Boulet sont pleines d’humour et riches de détails. Elles accompagnent parfaitement ce roman qui se lit d’une traite. Un peu de patience cependant, car la parution de Par bonheur, le lait est prévue pour le début du mois de novembre. La frontière entre le monde réel et le monde imaginaire est toujours très étroite chez Neil Gaiman, si bien que l’on se demande s’il y en a une. Il tient en haute estime l’imagination et c’est pur bonheur que de le suivre dans les méandres de ses histoires !