Quelqu’un qu’on aime et Le Pays qui te ressemble sont deux romans qui m’ont transportée et émue. Ils mettent en scène des familles « dysfonctionnelles ». Mais ce terme ayant une connotation négative, retenons qu’elles sont « hors normes »… et j’espère vous donner envie de les connaître !
Filons tout d’abord dans l’ouest des États-Unis avec la troupe de Quelqu’un qu’on aime. Parce que l’Alzheimer de Gary est avancé, son petit-fils Matt veut lui offrir un dernier beau voyage en refaisant la tournée de Pat Boone, un crooner des années 1950. Peu avant le départ, tout se précipite. Matt découvre qu’il est le père d’une petite Amber de 18 mois, qui va prendre part au voyage. Arrivés à l’aéroport, les avions ne décollent pas. En effet, une tornade est annoncée, contraignant le trio à changer ses plans. Dans les couloirs de l’aéroport, Matt et Gary rencontrent deux passagers – un adolescent en fugue et une trentenaire. Ensemble, ils louent un van et le road-trip commence. Le voyage est également au cœur du roman de Fabrice Colin, Le Pays qui te ressemble, mais celui-ci sera asiatico-européen. Sur une idée de Marilyne, leur grand-mère fantasque qui n’a pas sa langue dans sa poche, les jumeaux Jude et Lucy entraînent leur père dans un voyage d’été qui n’est qu’un prétexte pour retrouver leur vraie mère. Les étapes du voyage sont au départ au nombre de trois et exclusivement européennes mais, après un départ rock’n’roll (l’épisode mêlant le chien Simone et l’homme à l’infarctus est particulièrement savoureux) et des rencontres surprenantes, le voyage se terminera à Hong Kong. Si je résume, nous avons donc d’un côté un Alzheimer et une tornade, et de l’autre une famille désunie au quotidien morose avec des enfants qui n’osent avouer à leur père qu’ils recherchent leur mère biologique. Des démarrages quelque peu difficiles… mais il y a pourtant dans ces romans un optimisme certain. Dans Quelqu’un qu’on aime, on va de l’Arizona au Nevada, en passant par la Californie, et les liens entre les personnages se construisent à la faveur de la route. Les rôles sont redistribués – qu’il est émouvant par exemple de voir Luke, l’adolescent en fugue, veiller sur Gary et ses échappées nocturnes ; la musique et le quotidien avec ses imprévus invitent à se confier, à voir le passé sous un nouveau jour et à entrevoir le futur avec plus d’optimisme. De l’optimisme, les jumeaux Jude et Lucy du Pays qui te ressemble, en ont bien besoin également. Leur road-trip démarre sur des non-dits et un secret. Mais là aussi, la route et les notes de musique permettent aux personnalités de se révéler. Fabrice Colin et Séverine Vidal ne fournissent au fil des chapitres que quelques données sur les vécus de leurs personnages. Peu d’éléments sur le passé, donc, car ce qui compte est bel et bien aujourd’hui et comment parvenir à tricoter avec le présent. C’est souvent des rencontres les plus improbables que naissent les plus belles amitiés, amours ou familles, et c’est le cas dans ces deux textes. Grâce à leurs personnages, Fabrice Colin et Séverine Vidal donnent envie de se bouger. Ils ne taisent pas le caractère souvent injuste de la vie, les coups durs comme les coups de déprime, pourtant, au-delà de ça, ils donnent envie de faire swinguer la vie. Et c’est drôlement bon !