S’il y a bien une chose que l’on fait sans y penser, c’est manger. D’ailleurs, on prend souvent nos repas à heure fixe, sans vraiment se poser de question. Deux ouvrages nous proposent une réflexion sur cette activité quotidienne, philosophique pour l’un, sensorielle et gourmande pour l’autre.
Dans À table ! Petite philosophie du repas, Martine Gasparov nous invite à prendre le temps de repenser cet acte que l’on juge si banal. En abordant le sujet sous plusieurs angles, elle nous fait voir le repas comme un élément central de notre vie et non pas seulement comme un besoin physiologique et vital. Un petit retour en arrière nous rappelle que la nourriture a souvent opposé les classes sociales et, encore aujourd’hui, les religions lui accordent une place forte. Ce que l’on mange et la manière dont on le mange constitue pour beaucoup un point crucial pour définir l’intérêt d’un pays ou d’une culture. Ne nous sommes-nous pas d’abord étonnés et amusés des baguettes asiatiques ou de la tradition conviviale du couscous mangé avec les doigts ? Comme nous le fait remarquer l’auteure, manger avec des couverts ne revêt pas non plus une « normalité » extraordinaire. C’est là toute la saveur de ce petit traité : nous mettre face à nos contradictions et nous faire prendre du recul sur nos certitudes. Mais l’idée peut-être la plus importante tient dans cette affirmation : « Le repas est un ciment social », et ce quelle que soit la région du monde. À l’heure où tout va toujours trop vite, ce que l’on préfère souvent dans le repas, c’est prendre le temps d’être ensemble et c’est ce qui crée nos meilleurs souvenirs. Sur ce dernier point, on peut être sûre que Lucy Knisley serait du même avis ! Ses Délices, ma vie en cuisine commence par cette réflexion : « Mes souvenirs les plus intenses me reviennent toujours lorsque je me remémore le goût des choses. » Cette jeune Américaine a toujours baigné dans le monde de la gastronomie, élevée par des parents férus de cuisine. Dans ses chroniques dessinées, elle raconte ses souvenirs d’enfance sous forme de courts chapitres, avec humour et fraîcheur, et conclut chaque récit de recettes. Du rituel de la sauce de salade avec son père alors qu’elle était toute petite au plaisir de la peau de poulet partagée avec sa mère, sa passion tient d’abord à des odeurs, des sons, de la curiosité. Après avoir eu les saveurs les plus subtiles en bouche alors qu’elle était en culotte courte, sa crise d’adolescence s’est manifestée par un plaisir certain à consommer de la junk food devant ses parents. Ses multiples voyages ont été pour elle l’occasion de découvrir des goûts et des pratiques culinaires multiples, l’appétence l’emportant souvent sur la peur de l’inconnu. Avec Lucy, vous explorerez Rome, le Mexique, Tokyo et Venise, toujours sous le prisme de la table. Dès lors, vous n’aurez plus qu’une idée : suivre les miettes de gourmandise qu’elle sème avec amour et sincérité ! Mais notre gourmet est aussi philosophe et s’interroge sur l’origine des goûts et des envies de chacun, de l’inné et de l’acquis de nos préférences. En attendant, elle a la certitude que partager un repas permet de mieux l’apprécier, et pense que « manger peut être un acte social ». Alors, prenons le temps d’apprécier nos repas, nos quotidiens n’en seront que plus savoureux.