À l’instar de leurs parents qui dénichent dans les rayons des librairies des ouvrages qui donnent à penser une nouvelle manière d’être vivant, les enfants ont désormais leur collection, « Ronces », dont les histoires les invitent à interroger le monde et à poser un regard nouveau sur la nature qui les entoure.
Mais d’abord pourquoi « Ronces » ? Pourquoi convoquer l’image de ces plantes envahissantes, à l’aspect hostile, qu’on a pris l’habitude de détester ? Pourquoi nous faire songer à toutes ces mauvaises herbes qu’il faut inlassablement arracher de nos jardins proprets, ces gerbes de verdure qui brouillent la rectitude des lignes de nos espaces bien ordonnés ? Parce que les préjugés ont la dent dure et que la nature sauvage – celle qu’on repousse ou qu’on veut domestiquer – finit toujours par reprendre ses droits, belle, puissante et surprenante. La collection « Ronces » tend à rendre sensible une autre manière d’appréhender le monde où l’homme n’en serait plus le centre, occupé à en puiser sans cesse les ressources et à ordonner et détruire, mais un être vivant parmi d’autres, prié de cohabiter en étant respectueux et à l’écoute. Jérémie Moreau, auteur et illustrateur de talent à qui l’on doit notamment Le Discours de la Panthère (Éditions 2024) ou encore Les Pizzlys (Delcourt), par ailleurs directeur de cette nouvelle collection, ouvre le bal avec La Chambre de Warren. Dans cette histoire pleine de douceur et de poésie, alors que le Dieu Pan s’est transformé en dragon destructeur, furieux de ne plus pouvoir jouer sur sa flûte l’hymne de la nature, un petit garçon décide de créer dans sa chambre un îlot de résistance où il invite plantes, insectes, animaux et humains à venir avec lui préserver ce morceau de nature pendant le cataclysme, à la manière d’une nouvelle Arche de Noé. Coline Hégron signe, quant à elle, un album lumineux et dynamique, Le Grand Labyrinthe, qui nous raconte comment une petite fille, lassée du petit labyrinthe dans lequel elle joue tous les jours avec son chat Loupio, demande à ses parents de lui en façonner un géant. Mais à force de travail et d’épuisement, tout le monde doit partir se reposer pendant un mois, laissant le jardin à l’abandon. À son retour, Lise découvrira que la nature sait grandir seule, sauvage et indisciplinée, et qu’elle est bien plus intéressante quand on lui laisse sa liberté. Ces deux histoires, aux graphismes différents et aux couleurs pareillement éclatantes, disent l’importance de lier une sorte de rapport primitif à la nature, humble et renouvelé, que les enfants, par heureuse insouciance, sauront mieux que personne apprécier.